La Gazette #3 – Coralie Gonzalez

Coralie Gonzalez, la joueuse de goalball

Image du Conseil départemental de Haute Garonne

Bonjour, est-ce que vous pouvez tout d’abord vous présenter pour nos lecteurs ?

Coralie Gonzalez : Je m’appelle Coralie Gonzalez, j’ai 35 ans, je suis en situation de handicap, je suis non voyante complète. J’ai un diplôme de kiné et je suis parallèlement joueuse de goalball.

Quelle place a le goalball dans votre vie ?

CG : Ça a une place hyper importante dans ma vie, puisque j’ai mis ma carrière de kiné entre parenthèse pour me consacrer uniquement au goalball, pour faire partie de l’équipe des six filles qui participent aux Paralympiques. C’est une partie intégrante de ma vie.

Cela fait combien de temps que vous avez intégré l’équipe ?

CG : Je suis au club de …. Toulouse 31 depuis 2010, je n’ai jamais changé de club. Et depuis 2016, depuis que l’équipe de France a été reformée, je suis en équipe de France nationale.

Comment se forme une équipe de goalball ? Faut-il un temps d’adaptation ?

CG : La première difficulté ça a été de trouver le club. Puisqu’au départ, j’étais en milieu scolaire ordinaire donc je faisais du sport avec les valides. J’ai connu le handisport sur le tard. Quand je suis arrivée au lycée, j’ai connu une discipline qui s’appelle le torball et ça m’a mené au goalball qui a été la révélation. Avec le goalball il y avait des perspectives internationales, donc des rêves d’enfant qui pouvaient être concrétisés. Ça, c’était la première difficulté,. La deuxième, c’était de trouver des gens qui connaissaient la discipline, qui pouvaient m’aider et m’encadrer dans ce projet-là. Pour les jeux Paralympiques, il fallait trouver un préparateur physique, des gens qui m’accompagnent, des sponsors, et en équipe de France ça s’est fait tout seul. Il a fallu travailler et j’ai eu ma place.

Par rapport aux autres membres de l’équipe, comment cela se passe en équipe ? L’intégration s’est faite facilement ?

CG : On reste des filles, donc des fois on se chipote un peu pour rien. Mais globalement, ça s’est bien passé. On reste quand même un groupe, donc il y a forcément plus d’affinité avec telle ou telle personne. On est aussi un collectif en équipe de France qui est/vit très bien en dehors du terrain, qui est solide aussi mentalement sur le terrain même dans la difficulté, et ça s’est hyper important. !

A l’approche des jeux, comment vous sentez-vous dans la dynamique de l’équipe ?

CG : La dynamique va être plus rude et plus intense au moment du départ jusqu’aux jeux. On va se voir souvent. On va avoir des échéances importantes qui vont nous permettre de nous jauger aux autres équipes, aux autres grosses nations. Donc ça va être très intense, je pense…

Est-ce que vous avez un poste attitré dans l’équipe ?

CG : Moi Je joue un peu partout. A Toulouse, je joue essentiellement à gauche ou à droite, pour apporter de l’attaque. Et en équipe de France, normalement, je suis au centre, mais il m’arrive de faire de l’aile aussi ponctuellement.

La balle au goalball est particulière. Afin d’être perçue par les joueurs, elle est remplie de grelots.

Quel rôle joue le sport en général dans votre vie ?

CG : Ça a été une véritablement révélation par ce que j’ai toujours aimé les sports co. Et à 10 ans, on m’a concrètement fait comprendre qu’avec un handicap visuel ce n’était pas possible de jouer. Ça a clairement été un moment difficile.
Quand j’ai connu le handisport, ça a été une révélation, le handicap n’existait plus, et maintenant, je suis une sportive qui a une situation de handicap mais pas une handicapée qui fait du sport. Je me suis sentie vivante, libérée.

Qu’est-ce qui vous a plu dans le goalball ?

CG : Déjà les perspectives internationales, pouvoir jouer dans des grandes compétitions. Me confronter à des grosses nations. C’est également une aventure humaine, j’aime bien les gens. C’est un sport qui allie le physique et la stratégie. Si on est bien stratégique et qu’on arrive à lire le jeux de l’adversaire c’est banco !

La balle au goalball est particulière. Afin d’être perçue par les joueurs, elle est remplie de grelots.

Est-ce que vous appréhendez les jeux Paralympiques 2024 ?

CG : Alors, je ne sais pas encore si on participe aux jeux, même s’il y a de grandes probabilités. Est-ce que je les appréhende ? Non. Ça va être joué devant mon public, ce sera juste formidable, il va falloir croquer et y aller sans scrupules. Il faudra profiter par ce qu’on les fait à la maison en plus.

Y a-t-il une différence de représentativité entre les hommes et les femmes dans le sport paralympique ?

CG : Oui quand même, après les équipes féminines sont clairement favorisées dans le goalball, surtout en France.

C’est-à-dire “favorisées“ ?

CG : On a eu plus de moyens et plus de stages. On a fait plus de résultats que les garçons aussi, donc on avait une petite longueur d’avance.

Nous voyons que vous avez un chien, quel rôle a-t-il dans votre quotidien ?

CG : Elle s’appelle Jug, elle a sept ans. C’est un chien guide d’aveugle et elle m’aide à me déplacer dans la rue en sécurité, elle m’évite les obstacles, elle rend mes parcours plus fluide. A la maison, par contre, c’est un chien pacha, très détendue et tranquille. Elle m’aide des fois quand je fais tomber des objets par terre. Elle les retrouve, les met dans sa gueule et me les donne.

Est-ce que dans la pratique du goalball, elle participe également ?

CG : Elle me supporte, c’est déjà pas mal ! Je l’emmène des fois lors des déplacements, sinon je la fais garder car les journées de gymnase sont longues pour un chien.

Combien de temps un chien peut-il être guide de personne mal-voyante ?

CG : Il faut savoir que tout petit, de 2 à 10 mois, ils sont dans une famille d’accueil, leur rôle est de montrer au chien toutes les situations possibles et inimaginables. Par exemple : aller au concert, prendre les escalators, le métro, aller dans des lieux bruyants, des lieux où l’on se fait marcher dessus, des lieux où c’est un peu instable, ou encore des endroits en hauteur. L’objectif est que pour ses dix mois, ou un an, il puisse partir à l’école de formation de chien guide avec d’ores et déjà les meilleures ressources possibles. Le chien passe toute la semaine à se former et le week-end il rentre dans sa famille d’accueil. Puis, quand il atteint ses 18 mois, il obtient un diplôme et devient officiellement chien guide. A ce moment-là, on lui trouve une personne mal ou non voyante, où les critères de marche fonctionnent avec ceux de l’animal. Il faut être attentif aux allures de chacun. Il faut respecter le caractère du chien : un chien sensible ne peut pas avoir quelqu’un de trop dur avec lui, même chose si c’est un gros chien travailleur qui aime beaucoup bouger, il lui faut plutôt quelqu’un qui aime bouger et marcher.
Donc, après tout son travail de chien guide, vers ses neuf ou dix ans, il y a une visite avec l’éducateur et le vétérinaire pour voir comment se porte le chien, s’il a des problèmes de santé, s’il a encore envie de travailler. Un chien guide peut travailler jusqu’à ses onze ans maximums, après il part à la retraite. Une fois à la retraite, soit on l’adopte nous, soit il est remis à l’école dans le but qu’une famille d’accueil le recueille pour sa fin de vie. Moi, Jug je voudrais l’adopter, donc on va la faire travailler au maximum. On va adapter le travail à la canne et chien guide. Il faut savoir qu’une fois qu’ils ne sont plus chiens guides, ils perdent tous leurs droits ; c’est à dire qu’ils n’ont plus le droit de prendre le métro, ils ne peuvent plus aller au supermarché, plus prendre l’avion en cabine. Voilà, c’est une loi un peu nulle.

Une dernière question, est ce que vous auriez un message pour les jeunes en situation de handicap ?

CG : Il ne faut pas hésiter à pousser la porte d’un club, par ce que c’est une grande famille après. Il peut toujours y avoir de belles perspectives. Il faut savoir profiter !

Propos recueillis par Emmy Fernandes et Louis Anouilh